Avant de parler de résilience alimentaire, il me semble important de dire que le Covid-19 nous atteint quel que soit le lieu où nous habitons. Il est important de respecter le confinement, les bonnes attitudes pour éviter de se contaminer et de contaminer les autres.
En même temps, il nous faut dès à présent construire l’avenir, car si le président Macron pilonne son « nous sommes en guerre », n’oublions pas que le CNR (Conseil National de la Résistance) n’a pas attendu la fin de la guerre 39-45 pour réfléchir et imaginer la société d’après guerre.
Notre réflexion s’inscrit ici dans cette démarche.
Le mode d’approvisionnement alimentaire actuel, centralisé (importance des Marchés d’intérêt nationaux et des très grandes surfaces) et mondialisé, pour une grande partie, n’est pas compatible avec une raréfaction de l’approvisionnement en pétrole, le ralentissement des échanges et des transports, la réduction des importations… Le moindre grain de sable informatique, énergétique ou sanitaire comme nous le montre la crise planétaire actuelle du Covid19 nous interroge sur les incohérences et les fragilités de notre « système ».
Après la seconde guerre mondiale l’Etat se préoccupait de la sécurité d’approvisionnement alimentaire, et menait une politique en conséquence. Puis, progressivement il a transféré la responsabilité de l’approvisionnement, du stockage et de la distribution aux acteurs du secteur privé en vertu des fameuses lois du marché et du « laisser-faire » qui répondrait au mieux à toutes les difficultés.
Or, les villes n’ont une autonomie alimentaire que de trois jours selon l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) ! Nos îles ont une petite autonomie alimentaire. Nous risquons tous des ruptures d’approvisionnement.
Il ne s’agit pas d’affoler et d’inciter les gens à stocker, mais de réfléchir collectivement à un plan de sécurité alimentaire, pour maintenant et également à plus long terme.
Que peut-on faire ?
A court terme et tant que dure la crise du Covid-19,
• nous devrions éviter les réflexes de stockage qui aboutissent à des rayons vides et a des difficultés d’organisation pour les GMS, (Grandes et Moyennes Surfaces) et vérifier l’état des réserves familiales en bocaux et autres formes de conservation.
• Nous pouvons être solidaires avec nos producteurs locaux qui connaissent des difficultés (changement climatique approvisionnement, transports, …) mais qui essayent de s’adapter en proposant des solutions pour répondre aux besoins alimentaires de la population : paniers, livraisons à domicile, …
A moyen et long terme
Produire localement
Il s’agit de développer une agriculture respectueuse de la santé des hommes, de la biodiversité et de favoriser une plus grande autonomie alimentaire en augmentant les surfaces cultivées sur les îles, en diversifiant la production et en adaptant nos circuits commerciaux.
Il ne s’agit pas de viser l’autonomie totale. Ce serait difficile compte tenu de nos habitudes alimentaires actuelles, de l’extension des surfaces bâties ou réservées aux jardins d’agrément ou envahie par la friche arbustive. Mais il s’agit bien de permettre l’augmentation des surfaces agricoles cultivables, ce qui doit se traduire dans les PLU
Mettre les terres agricoles à disposition des agriculteurs
Pour développer l’agriculture encore faut-il que les propriétaires de terrains agricoles acceptent de les mettre à disposition des agriculteurs. Pour l’heure nous constatons de trop nombreuses réactions de rétention, qui non seulement ne sont pas conformes à la loi, mais sont également contraires à l’intérêt général. L’information, la concertation et la persuasion sont aujourd’hui privilégiés, mais il pourrait arriver un jour où il faudra mettre en œuvre, à l’instar d’autres communes sur le continent, la procédure dite des « Terres incultes ». La mise en valeur des terres incultes ou sous exploitées est une procédure qui consiste à réquisitionner un terrain abandonné et à le faire exploiter par un agriculteur
Encore faut-il également que nous trouvions des solutions adéquates pour l’eau nécessaire aux activités agricoles et pour le logement des agriculteurs.
Enfin, encore faut-il que la Loi littoral évolue afin de permettre l’installation des bâtiments d’exploitation indispensables à toute activité agricole. Le RAIA a entrepris de construire un plaidoyer auprès des élus (maires, régions, sénateurs et députés) pour que la Loi Littoral ne soit pas un frein à l’installation ou la consolidation de fermes comme cela a été le cas dans plusieurs îles dont l’Île d’Arz. Nous parlons bien de fermes et non d’exploitations industrielles.
Il faudra certainement s’atteler à faire un diagnostic des effets pervers liées aux fluctuations saisonnières inhérentes à la fréquentation touristique. Pour pallier la précarité engendrée par la dépendance au tourisme, les variations brutales de la demande et son imprévisibilité Il faudra aussi trouver des solutions pour sécuriser l’alimentation de la restauration collective (Ecoles Collèges Ehpad) et de l’ensemble des habitants à l’année. Des formes de production et de commercialisation adaptées seront sans doute à inventer.
Ces questions se posent partout en France tant la déprise agricole depuis un siècle s’est accompagnée d’une spécialisation au détriment de la variété de l’offre alimentaire locale, séparant toujours plus le consommateur du paysan. Contrairement à d’autres pays nous n’avons pas maintenu de ceinture vivrière autour des villes et des lieux d’habitation, et ce même à la campagne… et sur les îles.
Recherche Action.
Avec le projet SOFIANE, le RAIA a engagé un projet de Recherche Action sur l’agriculture dans les îles. L’épidémie du Covid-19 nous donne une occasion (on s’en serait passé) de mettre collectivement en œuvre cette recherche action.
C’est pourquoi, le RAIA va créer un document en ligne que les agriculteurs, consommateurs, élus, associatifs pourront abonder de leurs expériences, des difficultés rencontrées, des solutions trouvées, des vécus ressentis. Pour avoir ce document envoyer un mail à raia.association@gmail.com NB Il servira de matières pour construire et proposer l’après Covid-19, il servira aussi à d’autres organismes qui sont dans la même démarche comme TERRALIM
Ce texte est en partie tiré du document « Qu’est-ce que nous révèle la crise du Covid19 ? Quelle résilience alimentaire sur notre île ? » paru sur le blog du Collectif Agricole de l’Île d’Yeu, le 18 mars 2020.
Georges BIRAULT
Président du RAIA